Auckland
J’arrive assez fatigué à Auckland. Je suis sous antibiotique et anti-inflammatoire suite à une infection de la gorge. Par contre je n’ai pas eu mal aux oreilles pendant le vol et vu les derniers jours difficiles c’est un soulagement. Le changement de température est brutal, c’est encore l’hiver en Nouvelle-Zélande. Ma première semaine sera administrative. J’ai un visa vacance-travail. Mais avant de partir à la recherche d’un emploi je dois d’abord ouvrir un compte en banque. Sans celui ci, il est impossible de postuler à un emploi. Je commence par une première banque. Ils me répondent navrés qu’ils ne peuvent pas prendre de rendez-vous avant deux semaines. J’ai peu de temps pour travailler, je ne peux pas me permettre d’attendre autant de temps sans rien faire. Je vais à une autre banque. Désolé nous n’ouvrons pas de compte pour les voyageurs. Bon, j’enchaîne avec une troisième banque ou ils me demandent pour pouvoir ouvrir un compte bancaire d’avoir un travail. Or pour pouvoir avoir un travail il me faut ouvrir… un compte bancaire. Kafkaïen. Je retourne finalement à la première banque. Je lui demande si il n’est pas possible d’avoir un rendez-vous dans une autre succursale en banlieue ou il y a moins de demande. J’arrive finalement à obtenir un rendez-vous deux jours plus tard dans un village à quelques kilomètres d’Auckland.
C’est difficile de se remettre dans une perspective de travail après trois mois de vacance. J’apprends en plus que mes parents ne pourront finalement pas venir voyager avec moi en novembre. Ma mère souffre d’un cancer détecté en décembre dernier. Après des premiers mois difficile, le scanner qu’elle avait passé en juin montrait des signes d’améliorations. Le médecin avait alors ouvert la porte à un voyage en Nouvelle-Zélande. Malheureusement le scanner de septembre n’est pas bon. Ce serait trop risqué de voyager à l’autre bout de la planète. Je prends un sacré coup derrière la tête suite à cette nouvelle. Je me pose beaucoup de questions. Pourquoi rester ici pour travailler dans quelque chose qui sera forcement peu intéressant alors que ma mère est malade à l’autre bout de la planète. Je décide de poursuivre l’aventure pour le moment, tout en prenant des billets pour rentrer en France trois semaines mi janvier.
Je trouve assez facilement du travail. Un anglais que j’avais rencontré à l’auberge me donne l’adresse mail d’une RH. Je lui envoie un mail et le lendemain, elle me rappelle pour un entretien. L’entretien se passe bien, je suis embauché pour participer au dépouillement des votes des élections municipales, une mission qui dure trois semaines.
En Nouvelle-Zélande, il n’y a pas comme en France, une journée unique pour voter. Les électeurs peuvent envoyer leurs votes pendant trois semaines jusqu’au jour des résultats.
Des backpackers ont été embauchés pour s’occuper du processus, de la réception des votes jusqu’à l’archivage. Je suis à la toute fin du processus. Je dois archiver les votes suivant la villes ou habitent les électeurs. J’ai accès à une salle avec 700 boites sur des étagères, chaque boite représentant une ville de l’île du nord. Mon travail consiste à ranger les votes dans la bonne boite. C’est plutôt facile même si il faut rester concentré. Nos managers ont besoin de vérifier certains votes et si le vote recherché n’est pas dans la bonne boite, il faut partir à la recherche du vote manquant parmi les 700 boites. Surtout que les boites sont légères au début mais avoisinent les vingt kilos vers le fin. Le travail est vite épuisant, surtout à un rythme de dix à douze heures par jour, six jour sur sept. Nous sommes deux à faire ce travail. Je suis avec un anglais avec qui par chance je m’entend bien. Les taches sont très répétitives, nous tuons le temps en parlant football, politiques et stéréotypes sur nos pays respectifs.
Je me rends vite compte que j’économise peu d’argent à Auckland. La vie est chère et je suis au salaire minimum. Une Allemande avec qui je travaille me dit qu’elle a trouvé un emploi dans des champs de kiwis et qu’ils cherchent encore du monde. Elle me donne le contact du superviseur. Je contact la personne via Facebook et la personne me répond dans la foulée en me confirmant qu’ils cherchent encore de la main d’oeuvre.




Opotiki
Je prends un jour de repos après mes trois semaines d’archivage puis part pour Opotiki, sur la côte est. Après plus de sept heures de bus, j’arrive dans le village. L’endroit semble assez glauque, désœuvré. La superviseur doit m’attendre à la sortie du bus. Bien évidemment il n’y a personne lorsque j’arrive. Je décide de rejoindre à pied le camping ou les travailleurs logent. Je la repère lorsque j’arrive au camping. Elle me demande pourquoi je ne l’ai pas appelé quand je suis arrivé. C’est ce que j’ai fais je lui répond, regarde ton téléphone. Ah oui me répond elle, désolé (elle n’en a pas vraiment l’air). Elle en profite pour me dire qu’il n’y a plus de place au camping alors qu’elle m’avait assuré me réserver une place. Ça commence bien. Elle m’emmène dans un autre endroit. Au dessus d’une épicerie, il y a quelques chambres encore disponible. L’endroit n’inspire vraiment pas confiance mais je n’ai pas trop le choix pour cette nuit la. Je passe une heure à vérifier qu’il n’y ait pas de punaise de lit. Il n’y a pas de couverture dans la chambre. Je demande au mec de l’épicerie de m’en monter une. Je t’apporte ça dans quinze minutes me dit il. Je redescend une heure après. Il a fermé sans m’apporter ma couverture. La chambre est mal isolé et nous sommes au début du printemps. J’enfile toutes mes couches ainsi que ma couverture de survie pour pourvoir passer une nuit à peu près correct. Heureusement le lendemain, une place s’est libéré au camping. Je suis soulagé de pouvoir quitter cet endroit. Le camping est assez rudimentaire, ce n’est pas le grand luxe. Surtout au début du printemps avec des nuits ou la température descendait en dessous de zéro. Une partie des travailleur logeaient dans des dortoirs, d’autres dans leurs vans et enfin le restant en tentes. Nous avions accès aux cuisines et un espace de vie commune.
Le travaille dans les champs fonctionnait de la sorte. Nous travaillions tant qu’il faisait beau. Si il pleuvait, c’était jour de repos. Nous étions au début de la saison. Les bourgeons poussaient trop pret les uns des autres. Ils grandissaient souvent par grappe de trois alors qu’il n’y avait la place que pour un. Notre travaille consistait à enlever les deux autres. Les champs appartenaient à des néo zélandais. Mais ils sous-traitaient l’encadrement des backpackers à des superviseurs indiens. La bonne ambiance dépendait du superviseur. Certains menaient la vie dure aux travailleurs, profitant du fait que la plupart des personnes qui travaillaient avait 18 ou 19 ans et qu’ils ne protestaient que rarement contre les conditions de travail.
Nous avions dans mon groupe un superviseur plutôt bienveillant. Les règles étaient les même pour tout le monde: quinze minutes de pause le matin et l’après-midi, trente minutes de pause à midi pour manger. La règle la plus contraignante était l’interdiction de parler entre nous pendant le travail.
Le travail étant sans intérêt intellectuel j’en profitais pour écouter des podcasts toutes la journée. Mais même nourri d’histoire, de littérature ou d’émission humoristique, je trouvais le temps long. Je n’avais pas prévu de travailler longtemps en Nouvelle-Zélande, je n’avais donc pas le temps de chercher un autre travail sur une période aussi courte. J’ai serré les dents. L’avantage c’est que je dépensais très peu d’argent. Le camping ne coûtait rien et il y avait peu de choses à faire les jours de pluie. Opotiki est une ville désœuvrée. Beaucoup de maoris sont au chômage. Le centre ville est désert et la plupart des magasins ont fermé. Ajouté à cela une rivalité entre des suprémacistes blanc et des maoris qui s’affrontaient régulièrement. Bref un coin bien craignos. Mais en restant au camping, on ne risquait pas grand chose. Il y avait des voyageurs venant de chaque coin de la planète, l’ambiance était conviviale, du coup on restait cloîtré entre nous.
J’ai travaillé six semaines dans les kiwis. J’avais prévu une semaine de plus mais que j’ai vite déguerpis quand j’ai vu que les agriculteurs commençaient à balancer du glyphosate dans les champs en pleine journée alors que nous étions encore en train de travailler. J’ai anticipé mon retour à Auckland ou je devais retourner pour récupérer ma voiture de location et partir explorer la Nouvelle-Zélande pendant deux mois.
Au moment ou je pars d’Opotiki, je reçois un whatsapp de mon père. Ma mère éternelle voyageuse, voulait quand même faire un voyage à la place de la Nouvelle-Zélande. Ils avaient choisis les îles Canaries pour sa proximité avec la France en cas de pépin. La semaine s’était bien passée mais au moment de reprendre l’avion ma mère s’était sentis très mal et n’avait pas pu embarquer. Je suis forcement inquiet mais sans être paniqué non plus. Ma mère a été très souvent hospitalisée durant les premiers mois de l’année. je pense naivemment que après quelques jours à l’hôpital, ca ira mieux et ils pourront rentrer.
Ce n’est pas ce qui s’est passé. Le lendemain ma mère est décédée aux îles Canaries. C’est tout un monde qui s’effondre alors. Je suis seul dans une chambre d’hôtel à l’autre bout du monde avec une douleur immense qui me submerge. Je passe la journée comme un zombie dans ma chambre, organisant avec l’assurance mon rapatriement en France. Je pensais que si la situation s’aggravait, j’aurai toujours le temps de rentrer en urgence. Cela n’a pas été la cas. Le retour fut brutal. Vingt cinq heures de vol plus tard et me voila à Paris durant ce triste mois de novembre. Mon cerveau a du mal à réaliser qu’après six mois à l’étranger, je suis de retour en France. Le constat est saisissant quand je monte dans le train pour Annecy. Les gens sont bien habillés, ils partent au travail. Moi j’ai les mêmes fringues pourris de voyage depuis plusieurs mois. Je ne me sens pas à ma place. C’est cette sensation étrange qui va perturber pendant mon séjour en France. Je n’étais pas sensé être ici à ce moment la. Je ressens un vide en moi que n’avais jamais ressenti auparavant. J’ai beau être entouré par la famille et les amis mais une fois que l’enterrement est passé, tout le monde retourne à sa vie, à son travail. Moi je n’ai rien. Ma vie n’est pas en France cette année.
J’ai compris à ce moment la qu’il fallait que je reparte, que mon voyage ne pouvait pas s’arrêter maintenant. Je devais le faire pour ma mère déjà. Elle qui m’avais transmis cette passion du voyage, qui voulait toujours tout explorer. Elle n’aurai pas supporter que j’y mette un terme de cette manière. Il fallait continuer, ressentir cette excitation palpable quand l’avion se pose sur la piste d’un pays inconnu. Continuer à rencontrer des personnes d’horizons complètement différent du mien, vivre les galères interminables du voyage. Repartir c’était poursuivre l’héritage transmis et lui rendre hommage à ma façon.
Je devais aussi le faire pour moi. J’aurai dépéri en restant en France pendant six mois sans aucun projet. Les seuls moments ou je me sentais bien lors de mon retour, c’est quand je préparais la suite du voyage. La décision fut donc assez vite prise. Il me fallait continuer. Je savais que ça serait difficile, surtout en voyageant en solo. Mais c’était mieux que de rester immobile. Vivre de nouvelle aventures, se créer de nouveaux souvenirs tout en se remémorant les voyages extraordinaires fait en famille. La vie doit continuer. Je suis reparti pour les Philippines, le cœur vide mais la tête pleine de souvenirs.